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Entretien avec... Louis-Alexandre Proulx
Entretien avec...
20 décembre 2006

par Robert Richard


Louis-Alexandre Proulx est prêtre depuis… 71 ans. Comme il dit : « l’appel de Dieu, n’est pas un appel direct, il y a des courbes ». À 96 ans, ses yeux ne lui permettent plus de lire ni d’écrire, c’est un grand dépouillement pour lui. En ce mois de décembre, l’abbé Proulx attend des membres de sa famille pour le Jour de l’An. Ils viendront, des neveux et des nièces pour la plupart, pour demander sa bénédiction. En visitant l’abbé Proulx pour la chronique « Entretien avec », c’est un homme attachant que j’ai rencontré, qui conserve une lucidité peu commune et qui dégage une belle sérénité.

Robert Richard

Cet entretien a été réalisé en décembre 2006. L'abbé Louis-Alexandre Proulx est décédé le 8 mars 2007. Il aurait eu 97 ans en avril. L'équipe de Souffle.ca tient à transmettre ici ses condoléances aux proches de l'abbé Proulx.


Monsieur l’abbé Louis-Alexandre Proulx, parlez-moi de votre principale raison de vivre?

J’aime les gens, je ne me sens pas seul. Je suis entouré de compagnons bien attentionnés. (Monsieur Proulx vit dans une résidence pour prêtres à la retraite). Je me plais dans la nature. À Nicolet, on est proche de la nature. Je vais dehors autant que je peux malgré mon handicap visuel. J’aime prier. Ne pouvant plus lire, j’ai remplacé le bréviaire par la récitation du chapelet et la méditation des mystères du rosaire. – Les plus jeunes n’auront qu’à demander aux plus vieux ce que c’est que le rosaire. – Ma journée n’est pas faite que de moments de prière, j’aime aussi écouter la radio et la télé. J’ai toujours aimé les sports. Au Collège, j’étais un des meilleurs au hockey. Par la suite, j’ai découvert le tennis. Aujourd’hui, je regarde ces sports à la télévision pour autant que ma vue me le permette.

Selon vous, de quoi notre monde a-t-il le plus besoin actuellement?

J’aimerais dire au monde que c’est important de remercier le bon Dieu. La gratitude, la reconnaissance, l’action de grâce, c’est un exercice qui fait du bien et qui invite à l’humilité. Au jour de l’An, quand mes neveux et nièces vont venir me demander ma bénédiction, c’est ce que je veux leur dire.

Quand vous priez, que dites-vous principalement?

Je passe du temps à la chapelle après la messe, en silence, à remercier Dieu d’être présent dans ma vie. C’est important, vous savez! J’aime aussi quand il y a des moments communautaires de prière. Prier ensemble, c’est pas comme prier tout seul. Je remarque que les gens n’en sentent pas toujours le besoin. C’est peut-être plus important pour moi parce je suis maintenant moins autonome physiquement.

Jusqu’ici, quel a été le plus beau moment de votre vie?


Mon ordination sacerdotale. C’était dans mon village natal de Baie-du-Fèbvre, le 14 juillet 1935. C’était très solennel en ce temps-là. J’avais jusque-là été cérémoniaire de Mgr Brunault, l’évêque de Nicolet. Il était un homme exigeant mais je crois qu’il m’appréciait bien. Ce fut aussi une grande fête de famille. Le couvent du village avait fait de la place pour permettre à tous mes parents de rester à coucher. Puis il y a eu ma première messe : j’étais très heureux mais aussi terrifié à l’idée d’avoir à faire la prédication. Je rêve souvent à ce jour de mon ordination.

Vous savez, je ne pensais pas faire un prêtre. Je voulais faire mon cours aux Hautes études commerciales. C’est le Frère directeur de mon école qui m’a dit un jour qu’il me voyait bien faire mon cours classique. Je n’étais pas fermé à l’idée d’être prêtre mais ça m’apparaissait trop difficile pour moi vue ma timidité. Ce cher Frère directeur, le frère Ménard qu’il s’appelait, je n’ai jamais su comment il avait pu deviner ma vocation mais j’ai ma petite idée là-dessus : ma mère avait dû lui parler. Je ne vois pas autre chose.

Une fois engagé dans mes études vers la prêtrise, j’ai eu une ambition : celle de devenir missionnaire en Chine, mais je n’avais pas une santé à tout casser. Finalement, rien de tel ne s’est produit. Durant mes études à la prêtrise, j’ai enseigné le grec aux élèves du Collège-Séminaire de Nicolet. Dans ma vie, j’ai presque toujours été aumônier dans les hôpitaux ou les infirmeries. Je n’ai jamais rien regretté et, quand je repense à la célébration de mon ordination, je me dis que j’aurais aimé dire aux personnes qui étaient là que, oui, la vocation est un appel de Dieu mais que ce n’est pas un appel direct. Il y a des courbes. Mais ça vaut la peine de lui faire confiance. Oui, j’aurais aimé dire ça à ma parenté, mais j’étais trop timide pour le dire comme je le dis maintenant.

L’abbé Proulx, votre vie contient certainement au moins un fait cocasse?

Oh oui! Il faut que je vous raconte une anecdote amusante. Après mon ordination, j’ai eu droit à un mois de vacances comme c’était la coutume pour les nouveaux prêtres. Puis, j’ai reçu une lettre de Mgr Brunault me disant que j’étais nommé vicaire à la mission abénaquise d'Odanak. Or, le curé d’alors était malade à l’hôpital, mais il avait écrit une lettre à sa sœur pour lui annoncer mon arrivée à Odanak et elle avait cru bon de me la faire lire. C’était écrit : « Vous allez recevoir un nouveau prêtre. Il n’est pas beau, mais il est bon. » (Monsieur Proulx me raconte cette anecdote avec des yeux tout rieurs). J’ai beaucoup aimé les Abénaquis et je pense qu’effectivement j’ai été bon pour eux. Mais je dois surtout dire qu’ils ont été très bons pour moi.

Nommez trois qualités pour décrire Dieu?

  1. La bonté. Ça c’est indiscutable.
  2. La fiabilité. On peut se fier à Dieu même si on ne comprend pas toujours.
  3. L’espérance. Dieu me donne d’espérer le bonheur même à 96 ans. Vous savez, j’ai toujours eu une santé fragile. J’ai dû me reposer souvent mais je savais que Dieu ne me laisserait pas tomber. Si ça a été vrai pour moi, ça l’est sûrement pour les autres.

Monsieur Proulx, quand vous serez au Paradis, avec quelles personnalités aimeriez-vous discuter et pourquoi?

J’aimerais pouvoir retrouver le curé Belcourt de mes jeunes années. Il s’était montré très accueillant à mon égard alors que je me préparais à devenir prêtre. Il m’invitait à déjeuner au presbytère durant mes vacances comme séminariste.

J’aimerais aussi rencontrer le fameux Frère directeur pour savoir vraiment qui lui avait donné l’idée de m’encourager à faire des études vers la prêtrise. Je lui suis reconnaissant aujourd’hui d’avoir cru en moi.


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