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Entretien avec... Marie-Nicole Bernier
Entretien avec...
30 janvier 2007

par Robert Richard


Marie-Nicole Bernier aura bientôt 57 ans. Une maladie chronique l’oblige à se reposer plusieurs fois à l’intérieur d’une même journée. Ses activités consistent donc à faire des choses très simples, pouvant être interrompues à tout moment. Marie-Nicole cultive quelques belles amitiés. Et puis, il y a Chablis et Merlot, deux chats magnifiques qui ajoutent de la vie à son existence. Il faisait soleil à l’extérieur en ce jour très froid de janvier où je suis allé la rencontrer chez elle. Je peux vous dire qu’il faisait soleil aussi à l’intérieur.

Robert Richard

Marie-Nicole Bernier, qu’est-ce qui fait votre force au cœur de vos journée?

J’ai besoin de comprendre ce qui m’arrive, de parvenir à « mettre des mots » sur ce que je vis. D’ailleurs, il a fallu du temps avant qu’on identifie clairement ma maladie et ce fut une souffrance additionnelle car j’avais l’impression de passer pour une malade imaginaire. Il y avait aussi l’inquiétude de ne plus être fonctionnelle par moi-même. Aujourd’hui, quand je prononce le nom de ma maladie, « l’encéphalomyélite myalgique », j’ai un peu le goût de rire. Je crois qu’il faut avoir de l’humour devant des situations comme la mienne, mais ça vient seulement avec le temps.

Le pouvoir des mots, donc…

Oui. Dans ma vie, il y a des réalités inévitables : me battre contre elles ne me sert à rien sinon à m’épuiser. Présentement, « détachement » est un mot qui m’habite et que j’essaie d’appliquer. Il y a des choses que je ne ferai plus jamais comme avant. Par contre, je mets le temps à profit pour goûter davantage les beaux moments de la vie. J’essaie aussi de ramener à de plus justes proportions les attentes que je peux avoir envers les autres, notamment des membres de ma famille. De faire cet exercice devient pour moi une autre source de sérénité.

Il y a d’autres mots qui vous aident à mieux comprendre la vie?

Oui, le mot « simplicité ». Les complications viennent déjà d’elles-mêmes dans la vie, à quoi bon aller les chercher en plus? J’essaie de ne plus rien compliquer par moi-même. Par exemple, le beau soleil ce matin! C’est simple et c’est riche en même temps. Il est là, je l’accueille comme un cadeau, mais ça ne sera pas un drame demain si le temps est nuageux : je me souviendrai alors du soleil de ce matin. Et ça, je le dis au sens propre comme au sens figuré.

Vous me parlez comme si la maladie avait opéré un mouvement dans votre vie...

La maladie m’a amenée à entrer dans un processus de « libération » intérieure – un autre mot! – que je veux mettre en pratique. Des personnes m’aident en ce sens, spirituellement et psychologiquement. Je n’aurais jamais pensé dire ça un jour, mais je considère aujourd’hui que la maladie m’a été une grâce. Elle m’a permis de faire une profonde introspection. Mes liens avec les personnes sont désormais plus intenses. Je ne dis pas que la maladie est une bonne chose en soi, mais je réalise aujourd’hui, et j’ai mis beaucoup de temps pour y parvenir, que, sans ce que j’ai vécu depuis dix ans, je serais passée à côté de ma vie.

Quelle est la qualité que vous appréciez le plus chez les autres?

Pour moi, c’est une qualité à trois facettes : la franchise, l’honnêteté et la sincérité.

Et j’aime les rapports simples. Récemment, il m’est arrivée de recevoir deux amies à souper. Nous nous sommes mises à discuter de toutes sortes de choses au point que nous en avons oublié de passer à table. À 21h30, une d’elle devait partir et nous n’avions pas encore mangé. Non mais, vraiment, quelle hôtesse j’ai été ce soir-là! (éclat de rire) Autrefois, je me serais culpabilisée d’une telle bévue. Aujourd’hui, j’en ris et mes amies aussi. Nous avions sans doute plus besoin de nous dire que de manger ce soir-là.

J’aime aussi partir en pique-nique durant l’été. Mes ami-e-s savent que je devrai me reposer un moment durant le temps que nous passerons ensemble. Ça fait partie de ma vie et il m’accepte ainsi, non sans se moquer un peu de moi cependant, mais c’est un humour que je suis désormais capable de recevoir.

Au moment, où on se parle, les médias nous annoncent la mort de l’Abbé Pierre, ce prêtre français ami des sans-abri, et d’aucuns en parlent comme d’un être extraordinaire. C’est quoi pour vous un saint?

Je n’en ai aucune idée. (nouvel éclat de rire) Je crois que c’est une personne qui essaie de vivre sa vie de son mieux, qui est capable de reconnaître ses faiblesses mais aussi ses qualités. C’est quelqu’un qui essaie de devenir un peu plus chaque jour une meilleure personne. C’est d’abord et avant tout une personne humble.

Je sais que vous lisez parfois la Bible… Quel est le passage que vous préférez?

Hum, attendez, il est question de vent… Vous savez, j’aime beaucoup la notion d’Esprit Saint… (Marie-Nicole sort une Bible et cherche le passage en question) Ah oui! C’est dans l’entretien de Jésus avec Nicodème, qui est peut-être un homme un peu trop compliqué et qui vient voir Jésus de nuit. Jésus dit à Nicodème : « Il faut naître de l’Esprit Saint. Le vent souffle où il veut, et tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d’où il vient ni où il va. Ainsi en est-il de quiconque est né de l’Esprit ». C’est ça pour moi le détachement, la simplicité, la liberté. Le vent, c’est aussi la souplesse, un autre mot pour décrire ce que je veux vivre au quotidien. Je demande donc à l’Esprit Saint d’être avec moi dans mes journées.

Poursuivons sur Dieu… Nommez-moi trois qualités pour le décrire?

Un compagnon, un guide.
Quelqu’un qui est accessible, que je retrouve au fond de mon cœur, à qui je peux parler, que je peux même brasser parfois, qui me permet de me vider le cœur.

Votre conception de Dieu est donc celle de quelqu’un qui accepte « de se faire brasser »?

Oui. Je suis capable de le faire avec mes amies et elles n’en restent pas moins mes amies. Si c’est possible avec elles, c’est possible avec Dieu, et moi ça me rend plus disponible ensuite pour l’écouter. Vous savez, quand la douleur devient très forte, je ne sens plus que Dieu est présent, je ne le vois plus. Mais ça ne veut pas dire qu’il n’est plus accessible, au contraire, je crois que c’est là qu’il est le plus présent.

Iriez-vous jusqu’à dire que, de crier votre souffrance à Dieu, c’est déjà un acte de foi en lui?

Oui. Exactement, et c’est un Dieu que j’ai découvert au fil du temps car j’ai déjà eu beaucoup peur de Dieu, un peu comme, toute-petite, j’avais parfois peur de mon père.

Ça m’amène à une troisième qualité de Dieu : la patience. Oui, je suis sûre que Dieu est très patient envers moi et qu’il saura m’attendre le temps qu’il faudra. Dieu est enfin quelqu’un qui me parle par beaucoup de moyens : une personne, un livre, un film.

Marie-Nicole, quand vous serez au Paradis, avec quelles personnes aimeriez-vous pouvoir discuter et pourquoi?

Ma sœur Solange. (Le ton de notre entretien change, une émotion s’installe). J’aimerais pouvoir retrouver ma sœur Solange pour comprendre ce qui s’est passé, pour savoir où j’aurais pu lui aider. C’était une personne joyeuse, sportive, créative mais il y avait aussi chez elle quelque chose de sombre, de triste, d’innommé, que l’on n’a pas su saisir. – Voyez, encore l’importance pour moi de nommer les choses. – Solange aussi m’a appris le détachement. Ça reste difficile.

Mon amie Julienne. J’aimerais rire de nouveau avec Julienne, une amie morte trop jeune à cause d’un anévrisme au cerveau.

Je leur parle parfois à ces personnes. Je les entends rire. Elles m’habitent.

Vous avez deux fort beaux chats!

Oui. C’est réconfortant un chat, ça comprend, ça sent ce qu’on vit de l’intérieur. C’est autonome aussi, c’est pas toujours à notre remorque.

Vous dites de vos chats qu’ils sont réconfortants, qu’ils sentent ce que vous vivez… N’est-ce pas là des qualités de Dieu?

Tiens, c’est vrai, je n’y avais pas pensé : même mes chats me parlent de Dieu!


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