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Entretien avec... Isabelle Rock
Entretien avec...
6 mars 2007

par Robert Richard


Isabelle Rock a 35 ans et est orthophoniste en milieu scolaire. Toute jeune, Isabelle rêvait d’Haïti et de l’Afrique. Pas pour un voyage touristique, mais pour partager la vie des gens de là-bas. Son rêve s’est en partie réalisé l’été dernier mais en Amérique du Sud, comme quoi la vie nous réserve parfois des surprises. Isabelle souhaite bien repartir pour plus longtemps, mais il y a Émile, son fils de 10 ans. Elle lui en a parlé. Disons que l’idée fait son chemin. Partir maintenant avec Émile ou plus tard sans lui… avec le temps, Isabelle est devenue une femme qui sait attendre le bon moment.

Robert Richard

Votre principale raison de vivre?

Concrétiser le plus possible les aspirations profondes que je porte en moi. Mais je ne veux pas le faire au détriment des autres, surtout pas des personnes qui me sont très chères. J’ai un fils, Émile, qui est âgé de 10 ans. C’est déjà une réussite pour moi. À l’été 2006, je suis pourtant partie pour deux mois en Équateur. Et cette expérience est venue confirmer un désir qui grandissait en moi depuis mes études secondaires.

Pourquoi n’étiez-vous pas partie à ce moment-là?

L’école que je fréquentais alors offrait aux élèves de secondaire V de vivre un stage en Haïti. J’en ai donc rêvé durant quatre ans puis la guerre civile est survenue là-bas. L’école ne pouvait pas prendre de risque.

Vous en avez été très déçue?

Oui, mais je me suis dit que c’était mieux comme ça, que mon rêve de partir n’était sans doute qu’une passade. Puis, justement je suis passée à des choses disons « plus sérieuses ». J’ai entrepris des études pour devenir orthophoniste. Quand mes idées de départ refaisaient surface, on me disait : « ah! toi puis tes rêves ». Mes amies, elles, projetaient une job, un chum, une maison. Ma mère me conseillait d’obtenir d’abord mon diplôme. C’est ce que j’ai fait mais, après les études, Émile est arrivé.

C’était encore fort en vous ce projet de partir à l’étranger?

Oui. Vraiment, j’avais toujours l’impression de passer à côté de quelque chose de profond. Je suis allée deux mois en France, mais j’étais à la recherche d’un autre rythme que celui de l’hémisphère nord. J’avais pris des informations sur le Brésil puis ça n’a pas marché. J’avais besoin de confier mon projet à quelqu’un qui avait déjà vécu ce à quoi j’aspirais. J’ai rencontré une religieuse, sœur Mariette Milot, qui s’occupe de la formation de jeunes missionnaires. Avec sœur Mariette, ça a cliqué. Je me sentais comprise. Après un an de préparation, je suis finalement partie pour deux mois en Équateur.

Vous aviez déjà pensé à l’Afrique… pourquoi l’Équateur?

Oh, je rêve toujours de l’Afrique, mais on me suggérait d’y aller pour au moins six mois. La culture sud-américaine se prêtait mieux à un stage plus court. J’étais allée à Cuba un an auparavant pour des vacances, mais loin des lieux touristiques. J’ai séjourné dans un village en montagne. J’ai connu les gens avec leur pauvreté matérielle, mais surtout leur richesse de cœur. Ma barrière c’était la langue, mais j’avais eu la piqûre pour apprendre l’espagnol. Quand sœur Mariette m’a proposé l’Équateur – faut dire aussi qu’il y avait là des membres de sa communauté religieuse –, ce fut une surprise totale mais une joie aussi. J’avais déjà la motivation pour apprendre la langue, je me suis dit « pourquoi pas! ».

Comment c’était l’Équateur?

J’ai vécu à « La Mana » (ça veut dire « la manne » en français). Les après-midis, je faisais de l’animation dans un centre communautaire pour des enfants de 5 à 14 ans. Le matin, j’allais visiter Aida, une jeune femme épileptique et handicapée de 22 ans qui vivait dans un coin très retiré avec son père qui partait aussitôt que j’arrivais. Leur pauvreté matérielle était extrême. Ma mission consistait à permettre à Aida de vivre une vie moins isolée, de passer du temps avec elle pour socialiser.

Aida a été importante durant votre stage?

Nous sommes devenues des amies. Nous jouions aux cartes, je lui ai appris un peu à lire et à écrire. En dernier, son père était heureux de me voir arriver et il restait avec nous tout le temps que j’étais avec eux.

Selon vous, Isabelle, de quoi notre monde a-t-il le plus besoin actuellement?

D’humanité. Je crois que l’on manque de relations humaines satisfaisantes. J’ai trouvé ça en Équateur : le contact avec les gens, le temps qu’ils prennent pour t’écouter, pour prendre de tes nouvelles… Le temps, ils n’ont pas peur d’en prendre pour les autres. Ils aiment redire en espagnol : « no te preocupes ». Ils me disaient souvent aussi « tranquila ». Ici, tout va trop vite.

Vous étiez à la campagne?

Non, justement, j’étais en ville et c’était très bruyant : la maison où je logeais était collée sur le trottoir, il y avait le bruit des autos, des camions, des passants, de la musique… et pourtant le rythme des personnes est lent. Le temps ne compte pas. On ne voit pas la vie en termes de rentabilité.

Isabelle, est-ce que vous priez? À qui vous adressez-vous alors?

Oui, je prie et je m’adresse à Dieu. Je lui demande un soutien, j’ai besoin de me sentir accompagnée… Alors, je ne me sens plus toute seule. Beaucoup d’hésitations m'ont trop souvent freinée dans ma vie. En me confiant à Dieu, je trouve des forces pour réaliser le potentiel que je porte à l’intérieur de moi.

Quel a été le plus beau moment de votre vie?

Ma grossesse et la naissance d’Émile. Et aussi quand j’ai débarqué de l’avion en Équateur. C’était comme deux désirs profonds qui se concrétisaient.

Vous souhaitez repartir?

Oui, et pour plus longtemps cette fois-là.

En Équateur?

Oui, mais seulement pour visiter les gens que j’y connais. Je voudrais présenter mes amies à Émile. Mais mon appel pour l’Afrique est toujours présent.

Vous partiriez avec Émile?

Disons que je lui en ai parlé, mais il est aussi très attaché à son père. Je pense cependant que l’idée de vivre cette expérience fait son chemin dans la tête d’Émile. Je saurai attendre le bon moment, j’ai développé la patience depuis mes études secondaires.

Y a-t-il un passage de la Bible que vous touche particulièrement?

Spontanément, je ne sais pas… Je pourrais par contre vous citer Paulo Coelho dans « L’Alchimiste ». (Isabelle sort devant moi un cahier que je devine rempli de citations). « Écoute ton cœur, il connaît toutes choses parce qu’il vient de l’âme du monde et qu’un jour il y retournera ». C’est à la page 172. Mais Coelho dit aussi à la page 170 : « Là où sera ton cœur, là sera ton trésor ».

Isabelle, cette dernière citation provient d’abord de la Bible… (Je prends ma Bible et je cherche à mon tour). C’est dans l’Évangile selon saint Matthieu (Mt 6, 21) et selon saint Luc (Lc 12, 34). (Un sourire d’étonnement s’allume sur le visage d’Isabelle.)

Isabelle, trois qualités pour décrire Dieu?

• compassion
• présence
• amour

En arrivant au ciel, qu’aimeriez-vous que Dieu vous dise?

Bienvenue!

Enfin, qu’aimeriez-vous dire aux visiteurs du site Souffle.ca?

Soyez à l’écoute de vos désirs, de vos rêves qui chamboulent un peu votre réalité. N’étouffez pas le souffle de vie qui est là et qui veut se manifester. Je pense aussi qu’il est possible d’aimer nos enfants, d’être une bonne mère pour eux, tout en répondant à d’autres appels intérieurs. Il s’agit de trouver la bonne façon de le faire.


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